Projet de loi DADVSI


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  • Posté le : mardi 20 juin 2006, 14:45
  • Sujet : Projet de loi DADVSI

Projet de loi DADVSI

Par Murielle Cahen

Le très controversé projet de loi DADVSI (projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information), fermement soutenu par le Ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, comporte deux mesures phares (dont une issue d’amendements), qui furent soumises à l’examen de l’assemblée nationale à partir du 20 décembre 2005.

La première mesure contenue à l’article 7 du projet de Loi, permet de sanctionner le contournement des systèmes anti-copie, ceux-ci permettant d’interdire ou de limiter le nombre de copies possible, voir de dégrader la qualité de la copie par rapport à la qualité de l’original.

Mais le projet de loi appréhendant le contournement des « mesures techniques de protection » au sens large, est également concerné le contournement :

-  Des dispositifs anti-usage, où la lecture n’est possible que sur certains types ou certaines marques de logiciels ou matériels.

-  Des dispositifs d’identification de l’utilisateur, où la lecture est uniquement autorisée pour l’utilisateur identifié.

-  Des dispositifs de tatouage de l’oeuvre, où un signal identifiant unique caché dans chaque exemplaire d’une oeuvre permet de tracer sa redistribution (copies successives depuis l’exemplaire original identifié) ou encore d’interdire la lecture au-delà d’une date prédéfinie.

-  Des dispositifs de traçage de l’usage, où des informations sont transmises via Internet (collecte de données personnelles : utilisateur, date, heure, titre,...) vers un serveur industriel à chaque utilisation d’une oeuvre.

En effet, l’Art L 331-5 que prévoit de créer le projet de Loi au sein du Code de la Propriété Intellectuelle entend par mesure technique :

« Toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l’alinéa précédent (c’est-à-dire, les mesures techniques efficaces dont la fonction est d’empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur, d’une oeuvre, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme).

Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une utilisation visée à l’alinéa précédent est contrôlée grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection, ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. ».

Nous sommes donc en plein coeur de ce que l’on appelle les systèmes de gestion numériques des droits (DRMS) ou digital rights management system (DRM).

Le projet de Loi ne remet cependant pas en cause le principe de l’exception de copie privée (ses détracteurs argumentant cependant qu’il est bien remis en cause, de facto !).En effet, les titulaires de droits mentionnés à l’article L. 331-5 doivent prendre dans un délai raisonnable, le cas échéant après accord avec les autres parties intéressées, les mesures qui permettent le bénéfice effectif des exceptions définies aux 2° et 7° de l’article L 122-5 et au 2° et 6 ° de l’article L 211-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, c’est-à-dire les exceptions de copie privée (Art 8 du projet de Loi). De plus, si par exemple un consommateur estime que la présence de ces technologies sur un CD l’empêche d’en faire une copie pour son usage strictement personnel, un collège de médiateurs spécialement formé interviendra, cette autorité pouvant être saisie par toute personne bénéficiaire des exceptions citées ci-dessus (Art 9 du projet de Loi).

Enfin, il semble que ne soit pas remis en cause le système de décompilation pour permettre l’interopérabilité entre différentes plateformes logicielles ou matérielles : en effet, « des licences de développement des mesures techniques de protection sont accordées aux fabricants de systèmes techniques ou aux exploitants de services qui veulent mettre en oeuvre l’interopérabilité, dans des conditions équitables et non discriminatoires, lorsque ces fabricants ou exploitants s’engagent à respecter, dans leur domaine d’activité, les conditions garantissant la sécurité de fonctionnement des mesures techniques de protection qu’ils utilisent. » (Art 7 du projet de Loi).

Cependant, le coeur de la discorde se concentre au sujet du logiciel libre, certains soutenant que la concurrence du logiciel propriétaire par le logiciel libre serait à présent rendue impossible, par une incompatibilité devenue légalement obligatoire avec les produits en situation de monopole. En effet, il semble que le risque d’une interaction financière soit incontournable, interdisant ainsi la possibilité aux communautés bénévoles de créer des produits viables. De plus, il deviendrait impossible pour les logiciels libres d’être compatible avec des produits du commerce, sans intégrer à leur code source des programmes de traçage dont le fonctionnement ne respecte pas le principe de l’open source, primordial dans le domaine.

Toutes les mesures citées ci-dessus sont transposées aux bases de données (Art 15 du projet de Loi) et un éventuel contournement des mesures techniques de protections mises en place est assimilé à un délit de contrefaçon (Art 13 du projet de Loi).

La seconde mesure pour l’instant contenue à l’Art 1 du projet de Loi, est issue de l’adoption de deux amendements et ne concerne que le téléchargement d’oeuvres et non leur mise à disposition sur le réseau.

Ces amendements permettraient de considérer comme des actes de copie privée, les téléchargements réalisés via les réseaux peer-to-peer, « à condition que ces reproductions fassent l’objet d’une rémunération ». Ils rajouteraient à l’Art 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle cet alinéa : « De même, l’auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d’un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l’exception des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde, à condition que ces reproductions fassent l’objet d’une rémunération telle que prévue à l’article L. 311-4 ».

Une condition qui va dans le sens du concept de licence globale optionnelle dont le principe est de légaliser entièrement les échanges contre une rémunération forfaitaire optionnelle, intégrée aux abonnements des fournisseurs d’accès internet.

Ces amendements s’inscrivent dans le sens d’une jurisprudence relativement récente et parcellaire, qui a pu considérer que les actes de « download » d’oeuvres protégées sur des réseaux de peer-to-peer pouvaient bénéficier de l’exception de copie privée alors que les actes d’ « upload » de ces mêmes oeuvres étaient constitutifs du délit de contrefaçon car constitutifs d’une représentation au public prohibée par la Loi.

Cependant cette modification issue de l’amendement 153, adopté le 21 décembre 2005 par l’assemblée nationale n’est pas définitive et les débats reprendront à partir du 17 janvier 2006. Le texte final adopté sera ensuite soumis au vote du Sénat.

En l’état actuel, l’examen de l’Art 7 du projet de Loi n’a pas encore été terminé et seuls quelques amendements, d’ordre technique, ont été entérinés (Ils précisent notamment que les aspects purement mathématiques des logiciels de protection, comme le chiffrement, sont exclus du dispositif).

Les Art 2 et 3 du projet de Loi ont cependant été entérinés. Le premier empêche l’auteur d’une oeuvre d’interdire aux fournisseurs d’accès Internet de transmettre sur leur réseau des « copies techniques » des fichiers. Il s’agit de versions basiques des oeuvres utilisées pour leur acheminement sur le réseau. Cet article exclut également du dispositif les adaptations des contenus à destination des handicapés. Ainsi, les DRM peuvent être contournés dans le cas où il s’agit d’adapter un fichier aux différents handicaps des utilisateurs. L’article 3 prévoit quant à lui que les producteurs de bases de données bénéficient des mêmes dispositions d’exception.

Enfin, un amendement à l’art. 7 du projet de Loi sur « l’interopérabilité des systèmes » a été entériné, son but étant de faire en sorte que les plates-formes de téléchargement de musique en ligne, soient compatibles avec l’ensemble des baladeurs numériques du marché.

Le projet de loi compte au total 29 articles dont seulement deux ont donc été pour l’instant totalement adoptés.

A propos de l’auteur

Murielle Cahen est avocate spécialisée dans les nouvelles technologies. Visitez son site : http://www.murielle-cahen.com

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